Aminata est née au Burkina-Faso dans le petit village de Gombous- sougou, situé dans une zone très isolée de la ville la plus proche. Elle n’a jamais quitté son village et comme beaucoup de filles de son âge, n’est jamais allée à l’école. Des épisodes de mauvaises récoltes ont altéré son alimentation et sa croissance. Quand son père la donne en mariage à un lointain cousin, Aminata a 14 ans et mesure 1,50m.
Sa première grossesse se déroule comme celle de sa mère et de ses sœurs, sans aucune consultation médicale. Son travail débute à domicile, où elle est assistée de manière traditionnelle par la matrone locale.
Mais après 36 heures de contractions intenses, l’enfant n’est toujours pas né et Aminata est épuisée. La matrone se résout alors à la transférer au centre de santé le plus proche où travaille un infirmier. Les 20 kms qu’elle doit supporter sur la moto d’un voisin sont extrêmement pénibles.
À l’arrivée au CSPS, l’infirmier constate que le liquide amniotique est infecté et que l’enfant est mort. Il tente une perfusion pour accélérer les contractions, sans succès. Six heures plus tard, il décide qu’il est indispensable de rejoindre l’hôpital régional pour extraire l’enfant par césarienne. Le mari d’Aminata retourne alors au village et rassemble la somme nécessaire pour payer le véhicule qui va les conduire à Boromo.
Aminata est presque inconsciente à son arrivée à l’hôpital et ne garde aucun souvenir de son passage au bloc opératoire. À son réveil, on lui confirme la mort de son premier enfant. C’est à ce moment-là qu’elle réalise qu’elle perd ses urines jour et nuit, sans possibilité de les contrôler. À son retour au village, cette perte d’urines persiste. Aminata sent mauvais et se sent honteuse. Son mari la rejette. Elle doit retourner dans sa famille où elle est considérée comme porteuse d’une malédiction ; elle ne peut plus participer à la vie familiale, s’occuper des enfants, aller aux champs avec les autres femmes ou assister aux cérémonies marquantes de la vie du village. Peu à peu elle vit comme une paria ; souvent elle est tentée de se donner la mort.
Un jour, par hasard, elle croise une de ses parentes qui lui raconte qu’une équipe chirurgicale vient régulièrement à l’hôpital régional où elle a subi sa césarienne et opère gratuitement des femmes qui sont dans son cas. Aminata s’accroche à cet unique espoir.
Elle est alors opérée. L’anesthésiste lui explique qu’elle va avoir une piqûre dans le dos et qu’elle ne sentira rien pendant l’opération. Tout se passe comme prévu et le chirurgien la rassure. Elle garde sa sonde urinaire quinze jours, puis constate avec un immense bonheur qu’elle urine normalement.
On lui permet alors de retourner dans son village où elle est accueillie comme une miraculée. Elle retourne chez son mari et reprend sa place au milieu des femmes et de leurs activités. Comme le lui a conseillé le chirurgien, elle attend un an avant d’être enceinte et est suivie à l’hôpital où elle donne naissance par césarienne à un bel enfant, 15 jours avant terme.
Elle devient membre d’une association locale qui fait campagne pour la prévention et le traitement des fistules obstétricales. Elle raconte alors son histoire aux femmes des villages alentour pour faire en sorte que ce qui lui est arrivé ne puisse plus arriver aux autres jeunes femmes enceintes très jeunes et pour la première fois.
Elle apprend un jour que le chirurgien qui l’a opérée est de nouveau à l’hôpital pour une mission chirurgicale. Elle prend son enfant et marche longtemps jusqu’à l’hôpital pour témoigner sa reconnaissance et avoir la fierté de lui montrer son bébé. Elle participe à la fête organisée par l’équipe chirurgicale et l’association pour célébrer la fin de la mission et soutenir les femmes opérées.
Telle est l’histoire d’Aminata, qui présentait tous les facteurs de risques de la fistule : pauvreté économique et culturelle, première grossesse très jeune, petite taille, prise en charge non médicalisée, distance avec le premier centre chirurgical.
Telle est l’histoire d’HumaniTerra, qui vient à la rencontre de toutes les Aminata du Burkina Faso et d’ailleurs, avec l’espoir pour chacune d’une dignité et d’une vie de femme pleinement retrouvées.